Les gens mauvais

Posté par goalexandre le 7 décembre 2008

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Les gens mauvais

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Repensez un instant à il y a vingt ou trente ans ? Vous vous rappelez de cette époque où les policiers s’appelaient des « gardiens de la paix » s’ils se perdaient. Où on était si fier d’être prof ou chercheur. Les entreprises aussi étaient différentes… Il y avait, certes, des tensions, des luttes de pouvoir, des rapports de force, mais il y avait de grands récits collectifs pour les organiser : la lutte des classes, le progrès… sans compter tout le folklore des métiers… Les « roulants », les « lignards », les « Lip », les « Lu », les « Moulinex », etc. Et il y avait aussi des gens droits, intègres, des gens fiers de leur travail, des gens debout, lumineux.

Il y en a encore, certes, mais quelque chose tourne, quelque chose est en train de changer… Les gens simples et fiers laissent progressivement la place à des gens apeurés, à des individualistes, à des mercenaires qui savent – ont-ils le choix qu’ils risquent de devoir changer de boulot n’importe quand. On voit encore quelques seniors heureux, surtout dans le service public, quand aucune charrette ne leur pend au nez, on voit des gens qui ont eu une belle vie professionnelle, ça se voit sur leur physique. Mais les jeunes sont précaires, amers, insécurisés, mal payés…

Et surtout on voit les gens mauvais. On voit les managers voraces et brutaux, qui règnent par la terreur et préparent des licenciements à tour de bras pour complaire à leurs supérieurs ou à leurs actionnaires.

 Des gens qui profitent du discours sur la crise pour préparer des nouvelles charettes et y coller leurs « ennemis ». Des arrivistes manipulateurs qui peuplent les directions « corporate » comme on dit aujourd’hui. Des PDG obtus qui ne restent en place que par leur adéquation aux dogmes de la pensée unique financière, et parce qu’ils se tiennent tous mutuellement dans un véritable pacte d’omerta.

Oh certes, je ne suis pas naïf, il y en a toujours eu des salauds. Mais c’était comme l’oncle malsain ans les familles : il fallait faire avec, mais on avait un peu honte. Aujourd’hui, ils tiennent le haut du pavé, ils plastronnent, ils se répandent.

Ils ont pris le pouvoir.

Ils sont contents, et confiants.

Ils ont même l’Elysée.

Le succès est leur seule morale, le profit leur seul étalon. Ils ont aplati le monde à la seule dimension des cours de la bourse, leur thermomètre universel. Ils méprisent le bénévolat, la solidarité, le collectif, la vérité, l’universel.

Tout s’achète et se vend. Tous se vaut. Rien n’existe que les cours de bourse. C’est Matrix : un monde artificiel et vain qui suce l’énergie des masses…

Je pèse mes mots. C’est comme ça que tourne le monde. Et ça ne va qu’empirer.

Il y a des explications. Il y a des causes que nous devons combattre. La rapacité de la finance et son effarante demande de rendements de 15 % qui a transformé toutes les entreprises cotées en machines à presser les citrons humains.

L’individualisme forcené et le mythe du mérite. La perte de conscience politique consécutive à la chute des idéologies collectives.

La société de consommation qui a transformé l’information en spectacle et le spectacle en soupe insipide. Il y a beaucoup d’explications.

C’est difficile pour la gauche d’accepter de revenir aux valeurs, à la morale, à la dignité. Mais c’est pourtant sa seule chance de salut. Ce monde méprise les idéaux de gauche, comme il méprise les idéaux chrétiens, aristocratiques, la recherche de la vérité, l’engagement associatif.

Il faut rebâtir un grand récit.

Il faut refabriquer Regardez Obama. Les gens nous disent qu’il a gagné parce qu’il utilisait Internet. Quelle connerie. Obama a gagné parce qu’il a restauré le rêve américain, parce qu’il a redonné courage, parce qu’il a proposé une union plus parfaite.

Notre Obama français ne sera pas forcément issu de l’immigration. Il ne sera pas forcément de gauche. Ce sera celui qui proposera un nouveau mythe, une version moderne d’une France éternelle. Une place actuelle pour l’universalisme, le goût des idées, l’exigence d’égalité, le respect de chacun, les droits de l’homme, Rome Athène et Jérusalem.

Ou alors nous ne ferons plus société.

- Raphael Anglade

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