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segolene royal, action, communication, media, polémiques, Politique
Depuis maintenant deux ans Ségolène Royal s’investit dans l’action. Chaque déplacement, chaque initiative est commentée, largement commentée, suivant un schéma devenu prévisible : les porte-flingues de l’UMP situent leur critique systématique sur le terrain du coup bas, les médias, dans leur grande majorité, reprennent les phrases, les mots, les plus polémiques et titrent leurs articles à la manière des tabloïds “people”. Enfin, nombre de ses partenaires en dehors de certains de ses fidèles, et même au sein du PS, marquent, sinon une réelle distance ou une critique ouverte, un timide soutien.
Tout cela sur fond de divergence sur la communication et la méthode. Ainsi, ceux qui stigmatisent la forme évacuent dans le même temps le message et participent à troubler l’appréciation que peut s’en faire le grand public. Est-ce à dessein ? Quel danger représente Ségolène Royal pour la démocratie ? Quelle légitimité aurait-elle outrepassée ?
Pour ce qui est de la majorité actuelle, l’obsession à décrédibiliser, à détourner, à ridiculiser fait penser à la méthode consistant à parler plus fort que son interlocuteur, à inonder l’espace sonore ou l’actualité, laisse à penser que l’on a quelque chose à cacher ou bien que l’on n’accepte pas la contradiction… C’est assez révélateur d’une certaine impuissance à convaincre par sa propre action.
Pour ce qui est des médias, il en est tout autrement. Tous n’ont pas fait allégeance au pouvoir. Beaucoup d’entre eux sont certes la propriété d’amis de notre président actuel et nul ne peut, parmi les lecteurs ou les spectateurs, connaître précisément le niveau de pression direct ou indirect mis en place dans leurs organisations. Il reste pourtant un code déontologique et chaque journaliste peut s’y référer ; chaque journaliste garde donc une entière liberté d’appréciation. Le lecteur ne demande pas au journaliste de rester systématiquement neutre mais de transmettre d’abord l’information brute avant de la commenter. Or, on constate que les commentaires sont souvent construits sur des raccourcis, sur des mots ou des phrases préalablement interprétés. Ne participent-ils pas ce faisant à modifier la méthode même de communication de celles et ceux qui agissent?
Enfin, à l’intérieur du parti socialiste, le clivage entre les dépositaires de la doctrine, ancrés dans une idéologie sinon désuète au moins vieillissante, et les adeptes d’un changement radical dans les pratiques et dans les méthodes, empêche une approche lucide et objective. Le récent rapprochement (de raison ?) entre les différents courants va rendre plus difficile l’expression de ce clivage. Admettons qu’il se situe davantage sur le terrain de la forme que sur celui des idées.
Dans ce contexte, nous devons, en tant qu’observateurs engagés, impliqués ou simplement curieux, discerner quelle est la légitimité, la portée, l’intérêt, la force du message de Ségolène Royal.
On lui reproche son improvisation, synonyme allusif d’un manque de compétences. Il s’agit bien entendu d’un amalgame grotesque mais semble-t-il aussi efficace que certains messages réducteurs du candidat de l’UMP aux dernières présidentielles.
Tout le monde n’a pas été comédien ou militaire… Voilà deux domaines où l’on sait que l’improvisation est indissociable d’une recherche d’authenticité pour les uns et de tactique pour les autres. Sans improvisation, pas de création ; pas de risques certes, mais pas non plus d’utopie, d’invention.
On comprend mieux ce faisant que ceux qui ne risquent pas l’improvisation la dénoncent, la stigmatisent et la réduisent. Ils ont souvent payé au prix fort leur mode d’expression. Ils souhaitent le rentabiliser en ne permettant pas qu’il y en ait d’autres. Il y a danger pour eux à voir sortir tel ou telle de codes qui les mettent à l’abri, de codes qu’ils ont appris et pour lesquels ils ont obtenu des diplômes… donc une légitimité. Sortir des codes, c’est trahir le collège des “sachants” !
On lui reproche son imprévisibilité ou son indiscipline ou sa distance vis à vis des appareils… de moins en moins son manque de discernement, son manque de connaissance sur les sujets qu’elle aborde. Ses adversaires politiques de droite, et certains médias, en font un angle d’attaque pour tenter de l’isoler, de la mettre en porte-à-faux, de la séparer même de ce que l’on appelle (en les blessant parfois) ses fidèles. On comprend par ailleurs que cela soit déstabilisant pour ses partenaires.
Ségolène Royal ne s’arrête pas aux cercles établis. Ils subsistent et constituent la base de sa réflexion politique… mais elle va bien au-delà en ne réservant pas son message aux seuls initiés. Elle est à la fois dedans et dehors : dans le système dont elle connaît tous les codes et en dehors des influences qu’il suppose, des obligations qu’il voudrait imposer. Elle propose d’ouvrir la porte de la politique au citoyen ; expert de sa vie et donc utile à la compréhension collective.
A son échelle, il en est du projet politique de Ségolène, tant sur sa forme que sur le fond, comme il en est de notre avenir planétaire (économique, écologique, humain) : nous avons beaucoup appris du passé et nous ne savons rien de l’avenir… sauf que tout est à reconsidérer, tout est à reconstruire, tout est à réinventer. De ce point de vue, Ségolène rompt le serment originel du politiquement correct pour faire de l’humain, non pas le sujet, mais l’acteur.
Pour autant, il reste le calcul, la stratégie, donc la forme. Si cela repose sur la seule volonté de gagner le pouvoir, c’est à la fois dangereux et cynique. Si ce n’était que cela, le débat, imposé par ses adversaires, se situerait d’abord sur le fond, ce qui n’est pas le cas. Alors qu’elle soit maladroite, imprévisible ou opportuniste, la communication “par l’action” de Ségolène Royal devrait s’imposer petit à petit. Elle agit, permet à son équipe de réfléchir et de s’exprimer, porte la parole des idées et la diffuse au plus grand nombre. Sa place n’est pas nécessairement dans le rang et lorsque ses amis l’auront admis, son message n’en sera que plus fort. Ségolène Royal n’est pas un trublion mais une étoile, un repaire aussi inaccessible que nécessaire. Elle n’est pas l’idéal, elle nous propose de le chercher ensemble. Sa communication est un appel, une alerte, une indignation, un moyen d’affirmer, de concrétiser une proposition, de mettre du concret… Sa communication s’inscrit dans l’action au service de notre discernement… Et lorsque nous serons assez initiés pour avoir notre propre regard critique, nous saurons si nous devons la suivre ou pas… Ségolène aura déjà permis à chacun de choisir en conscience.
Billet écrit par Edmond T sur Désirs d’avenir.