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S comme SONNÉ Le baiser de la mort de George W. Bush
Courrier International (11 octobre 2007) - Mohamed Al-Haddad pour « Al Hayat »
En se rapprochant des Etats-Unis, la diplomatie française risque le même sort que les autres alliés de Washington : le mépris et les ennuis.
Après quelques mois de présidence, tout indique que Nicolas Sarkozy ravit les Français par sa politique intérieure, mais les déroute par sa politique extérieure. A l’intérieur, il semble fidèle à ses promesses : il ouvre des dossiers épineux qui n’ont pas été traités depuis des lustres et entreprend des réformes dont ses prédécesseurs avaient compris la nécessité sans avoir le courage de s’y atteler. En politique extérieure, en revanche, on constate déjà quelques accrocs. Le nouveau président veut faire comprendre à ses concitoyens que c’en est fini du « mutisme diplomatique » et de la « langue de bois ». Il a donc nommé au poste de ministre des Affaires étrangères un homme de gauche, issu de la société civile et connu pour sa liberté de ton.
Or les déclarations à l’emporte-pièce de Bernard Kouchner ont déclenché une avalanche de critiques. Manque d’expérience diplomatique, ont jugé certains, alors que d’autres lui ont notamment reproché sa visite en Irak. Une mise en scène plus digne d’organisations humanitaires que d’une grande puissance. Quand Bernard Kouchner a, par exemple, suggéré la démission du Premier ministre irakien avant de se rétracter, certains commentateurs n’ont pas hésité à y voir une erreur révélatrice du rapprochement entre Sarkozy et Bush. Il semble, en effet, que ce soit lors de leur chaleureuse rencontre estivale que Sarkozy a cru comprendre que Bush comptait se débarrasser du Premier ministre irakien. Or il s’est avéré ensuite que Bush voulait simplement faire pression sur l’Irakien et le pousser à mieux assumer ses responsabilités. C’est pour cette raison que la diplomatie française s’est pris les pieds dans une affaire dont elle ne maîtrisait pas toutes les données.
Sarkozy devrait se souvenir de l’ingratitude de Bush
Sarkozy veut renouveler l’image de la diplomatie française pour la fonder sur le dynamisme, le franc-parler et le respect des droits de l’homme. Kouchner incarne tout cela. Mais la question est de savoir si l’on cherche à soigner son image ou à agir.
Certes, Bush veut bien passer l’éponge sur la défection française en Irak, mais il ne consulte pas pour autant Paris pour modeler sa stratégie de politique internationale. Comment Sarkozy peut-il aspirer au rôle de partenaire alors qu’il sait de quelle façon le président américain s’est comporté avec ses plus proches alliés ? N’a-t-il pas empêché le témoignage d’Américains devant la justice britannique à propos d’un accident de tir qui a coûté la vie à des soldats anglais ? N’a-t-il pas fait preuve de mépris à l’égard des Italiens après la mort d’un membre de leurs services de renseignements [dans le cadre de la libération de l'otage italienne Giuliana Sgrena, en mars 2005] ? N’a-t-il pas maintenu la prison de Guantanamo Bay malgré les appels de la chancelière allemande ?
L’enquête sur la torture dans la prison d’Abou Ghraib n’a-t-elle pas abouti à un déni de justice alors qu’un seul soldat a été condamné jusqu’à aujourd’hui, et uniquement pour « indiscipline » ? Si George Bush avait voulu embarrasser ses alliés, il ne s’y serait pas pris autrement.
Sarkozy entame sa présidence alors que Bush achève la sienne. Le premier monte et le second dégringole. A un moment, ces deux-là pourraient bien se croiser. Sarkozy veut faire croire à ses compatriotes que la France a retrouvé son prestige, qu’elle est à nouveau au cœur de l’actualité et invitée à la table du maître du monde. Bush, de son côté, veut persuader ses concitoyens que sa politique étrangère n’a pas été un échec puisque son adversaire le plus obstiné, la France, s’est incliné en revenant au bercail.